samedi 29 juin 2013

Le masque tombe...

Madame Phinéra Horth,


Le ton condescendant de votre réponse du 29/06/2013 à mon courrier sur France Guyane du 19/06/2013, sans vraiment me surprendre , m'a interpellé, non sur le contenu et encore moins sur la forme, mais sur l'esprit (le mot est mal choisi) qui anime vos propos.... 
Aussi j'ai tenu a rétablir certaines vérités par vous déformées et vous rendre compte par la même occasion de l'image que vous montrez dans votre gouvernance
Une insulte même voilée, se doit d'être relevée, et ce, quoiqu'il en coûte au "pot de terre" que je suis...

Aussi, c'est par souci d’honnêteté et sans reprendre votre style faussement hypocrite, que je vous transmets ici copie de ma réaction diffusée sur le net, car votre réponse dépasse largement le cadre de ce dossier technique et est indigne de vos fonctions et de votre personne...
J'ose encore espérer que vous le comprendrez.


Recevez madame les salutations qu'un homme insulté peut encore réussir a trouver au fond de sa pitié...
Erwan Castel

Alerte sur Cépérou, épisode 2 :

Quand la mauvaise foi danse avec l'arrogance !



Résumé : 
Le 9 juin 2013, je me laisse aller à un "Coup de gueule" au sujet du fort Cépérou, site historique parmi les plus anciens de Cayenne, et pierre d'angle de sa beauté paysagère.. Cet article à été repris le 19 juin 2013, dans un "courrier des lecteurs" du quotidien local France Guyane... Piquée au vif dans ce qu'elle a de plus cher, à savoir son image médiatique, le maire de Cayenne, Madame Phinéra-Horth, enfin, a réagit après six mois d'inertie silencieuse dans le même quotidien, le 29 juin 2013. 
Sa réaction, pour le moins viscérale est toutefois intéressante car elle laisse transpirer une mentalité d'oligarque communautariste où la xénophobie resurgit à la moindre critique. 
En effet derrière une argutie fallacieuse où les droits d'aménagement sont allègrement confondus avec les devoirs d'entretien du fort, Madame le Maire qui cherche à se défausser vers les services de l'Etat, exprime dans un style voilé par la lâcheté son regret de ne pouvoir recourir au bannissement de l’importun que je suis....
Pendant ce temps là le fort continue de s'écrouler...

Pour lire la première lettre ouverte du 9 juin 2013 , ce lien : Alerte à Cépérou !


A l'origine de ce nouvel épisode :

Courrier du 19 juin 2013 et la réponse de Madame Phinéra Horth du 29 juin 2013 (France-Guyane)

2° lettre ouverte à Madame Phinéra Horth...

Madame le Maire, 

En politique comme au carnaval, il est un temps où les masques tombent et les vrais visages apparaissent alors, surprenant de beauté, ou parfois de laideur.

Ainsi que je l'avais présumé dans la conclusion de ma précédente lettre ouverte, je m'attendais à  votre réponse et ses arguties fallacieuses. J'avais, avant qu'elle ne soit publiée sous votre signature, l'intention de ne pas y répondre, estimant que mon devoir était accompli en alertant vos services puis en vous piquant dans votre représentativité pour faire avancer le dossier. 

Mais votre conclusion dans laquelle, par principe de précaution juridique vous voilez vos mots sans cacher toutefois votre pensée, m'impose de vous répondre au nom du respect que nous nous devons mutuellement.
Avant que d'aborder votre débordement communautariste, je me permets ici de rappeler  quelques points importants, que vous interprétez comme bon vous semble, dans le seul but de vous défausser de vos responsabilités :

Je ne reviendrai pas sur la situation de la colline Cépérou déjà évoquée dans la précédente lettre ouverte, surtout que depuis, rien n'a changé sur place au contraire.

Vous avez raison quand vous évoquez la propriété du fort , encore à l'armée...
Vous avez raison quand vous évoquez "l'obligation d'une demande préalable nécessaire pour la construction, la démolition, ou la modification de l'immeuble..."

Sauf qu'il s'agit là d'aménagement et non d'entretien préservant les bâtiments dans l'état et assurant la sécurité des usagers.

J'ai signalé à de nombreuses reprises comment mettre en sécurité et arrêter l'inclinaison croissante du clocheton. Ce n'est pas un aménagement que je suggérais mais simplement une préservation en l'état du monument, intervention d'autant plus facile qu'elle est peu coûteuse et que le bâtiment n'est pas classé.

Bref vous vous perdez en circonvolutions byzantines et mensongères car :

Ne vous en déplaise Madame le maire, je ne vous ai pas attendu pour réaliser depuis maintenant 12 ans des visites guidées de ce fort pour le compte des différents opérateurs touristiques ainsi que de l'armée auprès de qui j'avais obtenu l'autorisation sans aucun problème d'accéder à ce site historique. A cette époque le fort été entretenu et sécurisé jusqu'à ce qu'en 2009, la municipalité hérite de sa gestion....

Vous me parlez d'arrêtés municipaux existants, ne doivent-ils pas être affichés sur les lieux ?
A moins qu'ils n'aient été pris urgemment que depuis notre différent...

Quant aux déchets, et malgré les notes et messages transmis régulièrement à vos services, aucune action n'est faite, ni pour aménager l'espace container de la rue montante ni pour poser des poubelles sur le site et interdire son accès aux véhicules (à moins qu'il ne faille ici l'autorisation du président de la République...) 

Mais abordons maintenant Madame Phinéra Horth, si vous le voulez bien la dernière phrase sarcastique et arrogante que vous m'adressez et qu'il me plait ici de retranscrire :

"Mais peut-être étiez vous dans votre belle région de France à qui votre dynamique et vos grandes compétences touristiques et idées de préservation doivent bien manquer" 

Pouf pouf !

Quelle rhétorique laborieuse, Madame le Maire pour marquer ici votre mépris dans une fausse flagornerie qui révèle d'abord le fond de votre pensée aliénée par un communautarisme xénophobe.
En effet, vous parlez ici de la France comme d'une terre éloignée, étrangère, mais dois-je vous le rappeler madame le maire: nous sommes ici en France républicaine, il n'y a qu'à regarder qui paye ici le développement du territoire et surtout le fonctionnement des administrations territoriales...

Mais comme vous l'exprimez si bien à mots couverts, vous devez le regretter amèrement  "ce temps béni des colonies", ou les princes et les colons avaient tous les pouvoirs dont celui de bannir les fauteurs de troubles et les indésirables...

Sauf que ce temps là Madame est fini , et que les élus ont aussi des devoirs autant que des droits, a commencer par celui ne ne pas mépriser ceux qui participent à la valorisation de leur territoire et qui s'inquiètent de les voir limiter leurs actions à des gesticulations populistes et électoralistes.

Il n'y a qu'à voir votre magazine municipal : "l'Echo capital" il se passe de tout commentaire, dans le numéro de mai 2013, vous y apparaissait en photos 22 fois ! pour un magazine de 16 pages... "Bet sérieux !"  C'est un record à assombrir de jalousie le roi Soleil lui même... Bon j'exagère il y a quand même une page d'articles où vous n'apparaissait pas, et pourtant elle s'intitule "Catastrophe naturelle"... 

Petit Versailles cayennais, votre palais municipal brille aujourd'hui de mille feux avec son trottoir lumineux, futile coûteux et ridicule, mais où se déversent mille larmes d'un fort voisin qui comme un chien fidèle, ayant toute sa vie gardé la maison de ses maîtres, est aujourd'hui abandonné à une mort lente.

Ma région aujourd'hui, c'est la Guyane, que j'ai touché de mes pas respectueux et de mon regard admiratif il y a trente ans. J'y vis depuis 14 ans par passion, sans jamais cesser de travailler à sa valorisation à travers mon métier de guide que je fais du mieux possible.

A travers moi, vous avez montré votre propension a juger les personnes d'abord pour pour ce qu'elles sont avant d'écouter ce qu'elles disent ou regarder ce qu'elles font. 
J'ai le regret Madame le maire, de vous signaler que ce comportement est indigne de vos fonctions et de plus constitue les fondements même d'un communautarisme colonialiste dont tant de peuples ont été les victimes.

Recevez Madame Phinéra Horth, l'expression des sentiments que votre cynique arrogance m'inspire.

Erwan Castel  , Cayenne le 29 juin 2013




mardi 18 juin 2013

Lettre ouverte à Madame Taubira

Publié sur le blog Alawata-Guyane le 17 juin : Chroniques de Guyane


Cette lettre adressée au Garde des sceaux est un réflexion engagée, vue de Guyane, sur les lois mémorielles mises en place ou proposées par Christiane Taubira autour de l'esclavage historique (condamnation de la traite et réparation foncière). et une inquiétude quant aux conséquences sociétales qu'elles risquent de provoquer...

Lire l'article en page "Lettres ouvertes"

dimanche 16 juin 2013

Un cayennais entre l'Orient et l'Occident - 1ère partie

Ou quand un "illustre inconnu" fait son apparition au coeur de l'actualité...


Résumé : 
Ismaÿl Urbain est un métis né à Cayenne en 1812, très jeune il s'engage aux côtés des Saint Simoniens et se passionne pour l'Orient. D'abord en Egypte où il se convertit à l'Islam pour se rapprocher des arabes, puis en Algérie où il s'installe et sert pendant de nombreuses années comme interprète.
Très proche des "indigènes" il les défend âprement, face au colonialisme, et ses idées modernes, si elles lui attirent la haine des colons, reçoivent en revanche une attention bienveillante de la part du Duc d'Aumale, du roi Louis Philippe, puis la confiance de Napoléon III. Et c'est sur les conseils et réflexions du guyanais devenu conseiller personnel, que l'Empereur développera la doctrine politique du "Royaume arabe", qui pendant un temps rapprochera l'Orient et l'Occident ... Ismaÿl Urbain meurt à Alger à l'âge de 72 ans.

Dans ce premier article, nous évoquerons la jeunesse d'Ismaÿl Urbain, et sa rencontre avec le Saint Simonisme et l'Orient...


C'est à un visiteur de la ville de Cayenne, que je dois la découverte d'Ismaÿl Urbain, ce personnage étonnant, je l'en remercie vivement. 
Depuis, la lecture de ses écrits, la découverte de son itinéraire singulier de vie et de pensée, et l'influence qu'il exerça dans le monde des idées, m'invitent a vous faire partager l'histoire hors du commun de cet enfant de la Guyane...


Ismayl Urbain en 1868 
Ismaÿl Urbain
né à Cayenne le 31 décembre 1812,
mort à Alger le 28 janvier 1884

Depuis l'Antiquité, l'actualité géopolitique  nous ramène quotidiennement au coeur des tensions entre l'Orient et l'Occident, attractions, influences ou conquêtes, des hommes se sont tout au long de l'Histoire engagés entre l'Orient et l'Occident... 
Parmi les Hommes d'Occident engagés dans l'Aventure vers le Levant, d'Alexandre le Grand à Lawrence d'Arabie, de Goethe à Louis Massignon, de Nerval à Bruce Chatwin, nombre de conquérants, d'aventuriers, de nomades, de poètes, de savants ou d'écrivains partirent découvrir l'Orient géographique ou l'Orient intérieur tous deux  indissociables et fascinants.

Peu d'entre eux réussirent à tenir l'équilibre entre les deux mondes, réalisant l'impossible harmonie de pensée et d'action...Il en est pourtant un,  Ismaÿl Urbain,  qui voyagea sa vie durant, tant dans les territoires géographiques que dans le monde des idées. Cet homme exceptionnel allait marquer son temps et influencer les pensées les plus hautes, alors en exercice sur ce terrain de rencontre mythique, entre l'Orient et l'Occident.

Rien ne prédestinait pourtant cet enfant métis, à un destin aussi singulier, lorsqu'il naquit sur l'autre face de la Terre, le dernier jour de l'année 1812, à Cayenne...



SOMMAIRE de la 1ère partie :  1/ L'enfant guyanais, 2/ Le Saint Simonien, 3/ L'Orientaliste...
                                                                                  

1 / Ismaÿl Urbain, l'ENFANT GUYANAIS...


Ismayl Urbain est né le 31 décembre 1812, sous le nom de Thomas APPOLINE, et déclaré à Cayenne sur l'acte d'Etat civil du 2 mars 1813. Il est le fils illégitime d'un commerçant originaire de La Ciotat, Urbain Brue, installé à Cayenne, et de la fille d'une mulâtresse affranchie, Marie Gabrielle Appoline, noire libre de Cayenne.

Déjà marié à La Ciotat, Urbain Brue cachera sa paternité à l'administration et ne reconnut pas son fils Thomas, tout en lui assurant toutefois son éducation. L'enfant, tour à tour était  appelé par son prénom ou celui de son père, et c'est ce dernier patronyme usuel s'imposa rapidement à l'administration mais pour un temps seulement...

1820-1830 : De Cayenne à Marseille en passant par l'injustice...

A cette époque, la Guyane est gouvernée par Joao Severiano Maciel da Costa, pour le roi du Portugal et restera portugaise jusqu'à sa restitution à la France en 1817. Lorsque le jeune Thomas Urbain à 8 ans, "Cayenne que l'on a considéré de tout temps comme la capitale de la Guyane Française est aussi la seule ville dans cette vaste colonie (...) Elle ne renferme que des maisons en bois mal construites, à peine défendues par de mauvais remparts dominés par un fort en terre, la vieille ville (...) est dans un coin enfermée par des remparts qui ne sont bons à rien (...) dans un pays brûlant et marécageux." ("La Guyane, histoire mœurs et usages" , par Ferdinand Denis, 1823)


Rade de Cayenne, au 19° siècle - Gravure de Le Breton
A Huit ans, le jeune métis à l'identité secrète et stigmatisée, accompagne Urbain Brue à Marseille où il reçoit une éducation et fait des études. Observateur attentif des évolutions sociétales en cours, le jeune Urbain se rapproche alors du cercle des républicains, et participe aux réflexions politiques...

Pendant ce temps, la levée le blocus maritime ayant relancé les exportations et l'économieCayenne se modernisenotamment sous l'impulsion du baron Pierre Clément de Laussat, gouverneur entre 1819 net 1823. Libérée du carcan étouffant de ses vielles murailles Vauban, la ville s'épanouit, "la  nouvelle ville s'élève dans une grande savane, et s’accroît de jour en jour. Les rues tirées au cordeau sont larges, permettant à l'air de circuler librement, et laissent voir quelques maisons d'une assez belle apparence..." ("La Guyane, histoire mœurs et usages", par Ferdinand Denis, 1823)

Les affaires reprenant à Cayenne, Thomas Urbain qui a 18 ans et vient de finir sa rhétorique au lycée de Marseille, retourne à Cayenne en 1830, sur les conseils de son père qui espère le voir s'engager dans les affaires. Mais le manque de moyens nécessaires à l'investissement, et peut-être  aussi,  l'éloignement des études et des débats d'idées, lui font renoncer à une installation dans sa terre natale; et il reprend la mer vers la cité phocéenne en juillet 1831.   

2 / Ismaÿl Urbain, LE SAINT SIMONIEN...


1831-1833 : De Marseille à Ménilmontant en passant par le Saint Simonisme ...  

Au large de Marseille l'hôpital Caroline du lazaret d'Arenc  
Lorsque Thomas Urbain arrive au large de Marseille, la ville est protégée par un cordon sanitaire, institué après la tragique épidémie de fièvre jaune de Barcelone (1821) et le code maritime impose une mise en quarantaine des navires en provenance de l'Amérique.

C'est là sur les îles du Frioul que Urbain rencontre un Saint Simonien qui l'initie à sa foi et à ses doctrines, et durant l'attente sanitaire, il se plonge avec avidité dans la lecture des ouvrages prêtés par son ami, tel que "Sur la querelles des Abeilles et des Frelons", de Saint Simon, et dont la critique de  de l'Ancien Régime  reste toujours actuelle...

Cette quarantaine sanitaire sera pour le jeune homme de 19 ans, une expérience et une révélation décisives qui vont conditionner et orienter toute sa vie future.

Cette fraternité de pensée, fondée par Claude Henry de Rouvroy, comte de Saint Simon (1796-1864) lorsque, hostile aux privilèges de sa propre classe, il élabore une nouvelle philosophie fondée sur l'idée que tous les hommes sont appelés à travailler et produire "à chacun selon ses capacités, à chaque capacité selon ses œuvres". Autour de lui une école de pensée développe un "catéchisme industriel": doctrine économique, sociale, religieuse ou politique toujours vivantes et fondées sur l'esprit d'entreprise, l'intérêt général et le bien commun; la liberté, l'égalité et la paix. 
Cette école de pensée progressiste appelle à une réforme profonde, et proposa même une nouvelle mystique opposée à la morale chrétienne traditionnelle, mais ancrée dans le principe d'une fraternité entre les hommes, fondation d'e la société nouvelle..
Après la mort de Saint Simon, ses disciples poursuivent le travail, s'organisent et se radicalisent  en 1827, en famille religieuse,  autour du "Père Enfantin" et de ses apôtres dans la retraite de Ménilmontant. 

Ainsi, de nombreux "fils" de Saint Simon vont s'illustrer tout au long du siècle : dans le journalisme (Guéroult, Charton, Jourdan...), la banque (Pereire, Eichthal...), la politique (Carnot, Chevalier...) Les chemins de fer (Fournel, Talabot, Enfantin...), le projet du canal de Suez (Fournel, Arlès Dufour, Enfantin...) etc...
Très influent le Saint Simonisme est aujourd'hui considéré comme un acteur essentiel dans l'élaboration de la nouvelle société industrielle française du XIX° siècle....

Lithographie colorée, "les moines de Ménilmontant" - Bibliothèque de l'arsenal

Le jeune Urbain décide alors de rentrer dans le cercle très fermé des Saint Simoniens, et il est admis le 15 juillet 1832 dans leur maison de Ménilmontant, où ils vivent en communauté autour de Barthélémy Prosper Enfantin, qui reprend le flambeau de Saint Simon mort en 1825.

Tenu à l'écart par le secret de sa filiation, il semblerait qu'il trouve à cette époque, dans ce mouvement de pensée du Saint Simonisme, une vraie famille de coeur et d'idées . 

Là, au sein de ce groupe singulier Thomas Urbain se lie d'amitié avec l'ethnologue et philosophe Gustave d' Eichthal (1804-1886) banquier juif, converti au catholicisme puis au Saint Simonisme, Les deux hommes "le juif et le nègre, les deux proscrits" pour reprendre une formule d'Eichthal (Lettre de d’Eichthal à Enfantin, 8 novembre 1832) associeront leurs destinées et publieront même ensemble en 1839 les "Lettres sur la race noire et la race blanche".

Thomas Urbain, qui trouve un sens à sa vie auprès de cette communauté d'esprit et d'action, lui restera fidèle jusqu'à sa mort : « S’il est un saint-simonien dont la foi n’a jamais failli, c’est bien Ismaÿl Urbain, pour qui l’utopie développée par Enfantin a eu un sens évident, révélateur, vital. » ("Le Siècle des saint-simoniens", par Anne Levallois Bibliothèque nationale de France, 2006, p. 114.)


1833-1835 : De Ménilmontant à Damiette, en passant par l'Amour...

L'expédition d'Egypte - Cogniet 1827-1835 - Louvre
Au lendemain de la Révolution française, gonflée par une nouvelle vision globale d'une humanité en marche vers son accomplissement, la modernité se lance vers la conciliation  utopique entre l'Orient et l'Occident... L'expédition d'Egypte de Bonaparte (1798-1801) en est une illustration exemplaire qui initie un orientalisme qui deviendra quelques années plus tard une composante majeure des modernes du XIX°siècle, et qui s'exprimera sous différentes formes. poètes  scientifiques, philosophes, artistes,  écrivains voyageurs... tous aspirent a un "Voyage en Orient". 
Parallèlement aux utopistes et romantiques, c'est aussi le début de l'expansion coloniale avec notamment la conquête de l'Algérie en 1830, autre expression directe et violente d'un expansionnisme moderne...

Les Saint Simoniens qui se présentent comme  des "hommes nouveaux" accoucheurs de la "société d'avenir" développent aussi un orientalisme, notamment à travers la doctrine de Michel Chevalier qui prône un "Système de la Méditerranée" associant les deux "massifs de peuples".En 1832, considérés subversifs, les Saint simoniens sont victimes de persécutions, et les interdictions succèdent aux procès,  ils se dispersent... Ménilmontant devient une retraite. 

Au mois d'avril 1833 sous l'impulsion du prédicateur du "Père Enfantin", Emile Barrault, se forme à Ménilmontant, le "Groupe des Douze", recruté parmi "les compagnons de la Femme", 
Ce groupe se lance dans une croisade pacifique voulant réconcilier l'Orient et l'Occident, la Matière et l'Esprit dans un Voyage vers l'Orient dont l'objectif est le lancement du projet de percement de l'isthme de Suez. 

Ismayl Urbain - Bibliothèque de l'arsenal
Répondant à la demande d'Emile Barrault, Thomas Urbain, à peine âgé de 20 ans, s'engage dans cette aventure...

Avec ses compagnons il rallie dans un premier temps Istanbul, la mythique Constantinople, porte de l'Orient... 
"Je connais peu de spectacles plus faits pour réveiller dans l'âme l'admiration que la vue de Constantinople (...) la foi m'y faisait voir la Mère s'élevant radieuse du milieu de ces palais, planant sur Sainte Sophie, chrétienne puis musulmane..." ("Voyage d'Orient" d'Ismayl Urbain, éd. posthume 1993)
Puis leur quête de la "Femme-Messie" incarnation de l'union entre l'Orient et l'Occident prophétisée par Enfantin les conduit en Egypte, objectif final de leur entreprise.

L'entreprise pour les Douze s'avère plus difficile que prévue, d'autant que Méhémet Ali (1769-1849) vice roi d'Egypte ne se montre pas d'emblée intéressé par le projet du canal de Suez, privant les Saint Simoniens de la victoire industrielle annoncée et qui devait  être la pierre d'angle symbolique et économique de leur "Système de la Méditerranée". La déception et la fatigue dispersent les compagnons dont beaucoup rentrent en France...

Mais le Guyanais, quant à lui, se plaît dans cette Egypte "qui, (dit-il), me rappelle les beaux jours passés en Guyane" (ibid), et c'est donc sans difficulté qu'il choisit reste aux côtés de Prosper Enfantin qui ne désespère pas de convaincre le pacha Méhémet Ali, réformateur moderne, d'adopter le grand projet industriel du canal de Suez (les Saint Simoniens créeront  une société d'étude en 1846 et le canal sera finalement  percé entre 1859 et 1869).
Recommandé par Enfantin, Thomas Urbain sera envoyé comme professeur de français à l'école militaire d'infanterie de Damiette.

Thomas Urbain se plonge avec passion dans la découverte de l'Egypte, il s'y était préparé lisant avant son arrivée les "Voyages en Syrie et en Egypte" de Volney (1796) ou les "Lettres sur l'Egypte" de Savary (1783).
Mais c'est surtout son identité guyanaise et métisse qui va l'aider à comprendre la culture et l'âme des égyptiens et à intégrer cette société qui l'accueille.
"
Je veux prendre sur moi et avec moi les bâtards, les esclaves, les noirs, puis les musulmans, les renégats " (ibid)

Égyptienne - Léopold Carl Muller 1886
Arrivé au Caire en février 1834, il réalise des parallèles sociétaux entre la Guyane et l'Egypte, notamment chez les Dussap avec qui il se lie d'amitié, car c'est un couple mixte issu de l'union d'une femme noire d'Abyssinie, née esclave et d'un médecin français installé depuis l'expédition d'Egypte. 

L'univers créole est présent autour de lui et la vie s'installe avec ses passions tragiques... 
Le jeune Thomas se rapproche d'abord d'Halimeh, la mère, qui est emportée par la peste en juillet 1834, puis de sa fille Hanem, métisse comme lui, sur laquelle il reporte, en vain son amour passionnel, "attendant dans son bel œil noir, si calme, le premier signe de son émotion, afin d'oser l'entretenir de ma tendresse" (Revue de Paris juillet 1852)
Dans ce désir amoureux, Thomas Urbain, cherche "tout un avenir dans la mission de conciliation et d'alliance, qu'il voulait, comme Saint simonien, remplir vis à vis des races, des nations et des religions diverses." (ibid)
Mais en avril 1835, l'épidémie de peste sévit encore en Egypte et Hanem rejoint  la cohorte macabre des pestiférés et "s'en alla dans toute sa beauté, le sourire aux lèvres remerciant par un regard de bonté ceux qui entouraient son lit (...) en s'envolant vers une vie meilleure, elle entraîna mes espérances, le rêve de mon ambition et les souhaits les plus fervents de ma foi.." (ibid)

A Senaniah, où il vit, Thomas Urbain est accablé par la douleur, il ne peut se rapprocher du Saint Simonien Enfantin parti vers la Haute Egypte, et le guyanais qu'il est l'appelle dans son coeur à chercher le réconfort dans le secret des frondaisons épaisses lui rappelant sa Guyane maternelle :"J'allais m'asseoir au plus épais des vastes palmeraies. Là, sans regret, sans espoir, sans pensée, je contemplais les reflets mouvants des rayons du soleil dans les feuillages découpés des palmiers; jrespirais un air tiède et parfumé; je vivais encore; les forces du corps renaissaient sous l'influence fortifiante de cette nature vigoureuse; mais l'âme était absente (...) Le vase avait débordé." (ibid)


3 / Ismaÿl Urbain, L'ORIENTALISTE...



1836-1841 : De Damiette à Paris, en passant par l'Islam..

Malgré son anéantissement moral, le jeune Thomas Urbain, qui n'a que 23 ans, reste irrésistiblement attiré par cet Orient...
"Je suis un feu au milieu de la population ardente qui m’entoure, je brûle, je veux vivre comme elle, parler comme elle; je ne veux plus m’isoler des hommes. Je ne peux les faire moi,  je me ferai eux " (correspondance à Emile Barrault 1835)

Prière du matin - Ludwig Deutsch 1906
Le 5 mai 1835, l'idée d'une conversion à l'islam lui apparaît brutalement à la vue d'une cérémonie de mariage, et scelle le cheminement réalisé depuis plusieurs années vers la foi musulmane, d'autant que, dans son coeur il voit dans cette conversion la possibilité de s'unir par l'esprit à son aimée disparue : "...ma résolution fut dès cet instant arrêtée, je me sentais appelé par elle; j'allais vivre cette vie arabe qu'elle préférait, (...) Ne pouvant arriver, comme elle, vers les musulmans par l'origine et les habitudes de la famille, j'allais me rapprocher d'eux par la religion et les pratiques du culte (...) J'avais donc retrouvé le but de ma vie. Je renouais la chaîne ininterrompue de mes idées. Le mariage que j'avais rêvé comme mon salut, allais recevoir une réalisation mystique, mais féconde en actions." (Revue de Paris juillet 1852)

La conversion à l'Islam, pour Thomas Urbain, n'est pas une rupture avec le Christianisme et encore moins avec le Saint Simonisme, bien au contraire : c'est un dépassement, palingénésique, si chère à la doctrine des "moines de Ménilmontant".

La conversion eut lieu le 8 mai 1835, par l'Iman, aumônier de l'école militaire de Damiette. L'union tant espérée de Orient et de l'Occident est donc déjà amorcé sur le plan individuel.... 

"Ismaÿl" Urbain est né...

Dès lors, cet homme de Guyane, né à Cayenne entre noir et blanc, s'engagera entre chrétien et musulman, comme médiateur entre Orient et Occident, "afin de donner aux pensées et aux sentiments un horizon plus vaste !." (Ibid)

Pendant ce temps là, les Saints Simoniens, déçus de ne pas voir leurs projets adopter en Egypte, tournent désormais leurs regards vers l'Algérie.

Ismaÿl Urbain, malgré sa conversion désespère de l'inertie des projets qui l'ont amené en Egypte et de sa solitude affective. Il exprime le désir de rentrer à Paris et de rejoindre les frères Saint Simoniens; dans une correspondance d’août 1835, le "Père Enfantin" lui répond avec compassion et le soutient dans son intention de rentrer en France : " ton rocher a été si souvent battu par la tempête que ses flancs fracassés par les flots qui le frappent sont à pic, déchirés, âpres, inabordables (...) Ton palmier gigantesque n'a plus de rosée sur ses feuilles jaunissantes, elle est tombée en larmes sur les ronces de la solitude (...) Va donc, va vers la France, vers mon Charles (Duveyrier)..."

En mai 1836, Ismaÿl Urbain rentre en France ou la monarchie de Juillet (Louis Philippe1er), sous l'impulsion de son premier ministre Adolphe Thiers,  mène tant bien que mal les réformes promises. A Paris, où il rejoint les Saint Simoniens Duveyrier et David , Urbain s'engage dans le journalisme et collabore avec "le Magasin pittoresque" de Charton, "le Temps", "la Charte de 1839", "la Revue du XIXe siècle"...

Il retrouve aussi son ami et protecteur, le saint simonien Gustave d'Eichthal qui l'engage dans une réflexion sur la conquête de l'Algérie en cours, et de revisiter le grand projet de l'union de l'Orient et de l'Occident porté par le mouvement du "Père Enfantin".

En Egypte, la phalange des Saints simoniens, sous la conduite de l’exalté Barrault était partie en croisade pacifique, en quête d'un Orient utopique et imaginaire. La complexité des mentalités, les divergences culturelles, la naïveté des intentions et la méfiance de l'Islam ne permirent pas aux "Compagnons de la Femme" de mener leur mission avec succès. 

Mais cette propédeutique expérience égyptienne, allait servir et motiver les Saint Simoniens Enfantin, Lamoricière, Cavaignac, Warnier, Fournel, Duveyrier, Carette et d'autres, qui vont partir, en ordre dispersé à travers leurs diverses fonctions, expérimenter leurs doctrines progressistes en Algérie.

Alors qu'une carrière de journaliste l'attend sur les bords de la Seine; en 1837, Ysmaël Urbain traversera à nouveau la Méditerranée, répondant ainsi à l'appel de tous les métissages des origines, des  territoires et des pensées qui fusionnent dans son coeur...

Car désormais la porte de l'Orient et de son destin est à Alger...
Prise de la Smala d'Abd el Kader le 16 mai 1843 - Horace Vernet

A suivre...

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Le 26 septembre 1891, lors d’une commission d'enquête en Algérie, le sénateur Émile Masqueray, à propos d' Ismaÿl Urbain écrivait :

« C’est lui qui le premier a mis en plein jour cette formidable question indigène que tout le monde aujourd’hui semble découvrir. Il l’a étudiée sous toutes ses faces et il l’a théoriquement résolue avec la justesse d’esprit d’un homme d’État, le détachement d’un philosophe. »


Bibliographie consultée (concernant la 1ère partie)

De Ismaÿl Urbain

"Lettres sur la race noire et la race blanche", Ismaÿl Urbain & Gustave d'Eichthal, 1839
"Une conversion à l'Islam", Revue de Paris, juillet 1852
"Voyage d'Orient", édition posthume 1993

Des Saints Simoniens

"Occident et Orient",  Emile Barrault 1835
"Correspondance d'Enfantin à Ismaÿl Urbain", Bibliothèque de l'arsenal, Fonds Enfantin & d'Eichthal
Sur Ismayl Urbain

"La part de l'Autre dans la quête de soi"  par Jérôme Debrune,  Cahiers d'Etudes africaines 2002
"Le Siècle des saint-simoniens", par Anne Levallois, Bibliothèque nationale de France, 2006, 
Sur internet

"Ismaÿl Urbain", Société d'études Saint Simoniennes,       lien : Lire
"Ismaÿl Urbain", Le 19°siècle, biographies,                          lien : Le 19° siècle
"Ismaÿl Urbain", Wikipédia                                                      lien :Wikipédia - Y. Urbain


dimanche 9 juin 2013

Alerte à Cépérou !

Résumé : 
"Coup de gueule" au sujet du fort Cépérou, ce fleuron du patrimoine de Cayenne, à très forte attractivité naturelle, historique et populaire mais aujourd'hui en danger,  car abandonné aux dégradations du temps et de certains usagers iconoclastes. Alertée depuis plusieurs mois, la mairie de Cayenne ne réagit pas, semblant indifférente au sort de cet héritage majeur de l'Histoire dont elle a la gestion...
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A Madame Phinéra Horth, Maire de Cayenne

"Il n'y a dans le visible que les ruines de l'esprit !"

                                                           Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l'invisible 1964


Amoureux de la Guyane et de Cayenne, c'est avec une infinie tristesse que j'assiste au naufrage du fort Cépérou, clef de voûte du patrimoine historique de la ville et de son paysage urbain. Pôle d'attractivité touristique, Cépérou est aussi un lieu populaire aimé et fréquenté par de nombreux cayennais. 

Ce "coup de gueule" qui sort de la confidentialité des précédents courriers adressés depuis plusieurs mois aux services de la mairie, est motivé par son insignifiante réponse et  l'absence totale de réaction adaptée et responsable pour ce site pourtant symbole majeur de la ville et donc image de la politique de valorisation de sa municipalité !

Guide à Cayenne, mais aussi résidant sur sa colline, je réalise dans le cadre des visites de la ville organisées par GuyaRando (Lien vers GuyaRando-Cayenne), des découvertes hebdomadaires de ce fort, à la fois site historique fondateur et site d'observation exceptionnel permettant une lecture esthétique du paysage naturel et urbain de la ville.
L'importance patrimoniale du fort sera traitée dans des articles ultérieurs, nous aborderons  ici principalement la problématique urgente et les menaces qui pèsent sur le fort Cépérou à travers les points suivants déjà évoqués depuis novembre 2012 et consignés dans le courrier transmis le 12 avril 2013 en mairie.

Car depuis la rétrocession de la gestion totale de ce patrimoine à la ville de Cayenne le 19 février 2009, force est de constater, que l'entretien, la sécurisation et la valorisation du fort et de ses abords ne sont pas à la hauteur de sa fréquentation en constante augmentation

1 / La fréquentation du fort, l'ignorance des enjeux et menaces
2 / L'entretien du fort, l'incompétence entretenue
3 / L'effondrement du clocheton, l'inertie honteuse
4 / La sécurité du fort, l'insouciance responsable
5 / La réunion du 7 mai 2013, l'indifférence arrogante
6 / Conclusion

Frédéric Auclaire guide de GuyaRando sur la visite du fort


1 / LA FRÉQUENTATION DU FORT CEPEROU 
ou l'ignorance des enjeux et menaces



Situé au coeur de la ville mais dans une zone discrète et libre d'accès, le fort Cépérou est le théâtre d'occupation régulière d'environ cinquante personnes quotidiennement. Il est important de distinguer parmi les usagers du site, plusieurs catégories aux motivations, comportements et conséquences différentes : :



A / Les visiteursqui, venant visiter le fort en journée, soit accompagnés ou en promenade libre participent à la valorisation de la ville et de son patrimoine.                                                   
Conséquences : 
La plupart des demandes exprimées concernent une signalétique à mettre en place et un meilleur entretien du fort et de ses accès.
                                 
B / Les jeunes,   désœuvrés venant, au niveau du clocheton et sur l’ancien réservoir d’eau, une dizaine en moyenne chaque en journée et en soirée et des groupes plus importants en fin de semaine et lors d'événements urbains importants ( carnaval, braderie... 
Conséquences
- Dégradation d’éléments patrimoniaux (graffitis anciens, pierres)
- Détérioration voire utilisation du réservoir d’eau potable (aération…)
- Nuisance sonore fréquente, déchets divers et importants sur le site
- Consommation importante de drogue et d’alcool

C / Les squatters, environ une demi douzaine de drogués , qui occupent régulièrement les petits bâtiments du fort  ainsi que les cours et maisons inoccupées du quartier.
Conséquences :   
- Dégradation des bâtiments
- Déchets sur le site
- Prélèvements salissants des poubelles du quartier


2 / L'ENTRETIEN DU FORT, 

ou l'incompétence entretenue


Depuis trois ans nos intervenons régulièrement auprès des services municipaux (police municipale et services Techniques) pour signaler lorsque l’état de propreté ou les dégradations présentent un caractère important et urgent (par exemple en 2011 lorsque des jeunes se baignaient dans le réservoir d’eau potable après l'avoir forcé)

L'entretien réalisé est superficiel, incomplet et fait à contre coeur ...  Vous voulez des exemples ?, en voici deux :

Une douzaine de barrières des Services techniques "oubliées" sur le site depuis... le 28 octobre 2012 !!!
Signalées oralement en décembre, février, par courriel en mars, par courrier en avril (avec localisation et photos) les barrières encombrant les voies d'accès n'ont toujours pas été enlevées !
De qui se moque t'on !?

La fréquentation du site génère des déchets divers et multiples (sacs , bouteilles vides, boites de conserve, préservatifs etc...) sur le site, des débris bouteilles projetées... 
Régulièrement est réalisée une fouille salissante des rares containers du quartier posés à des emplacements pentus toujours pas aménagés malgré la demande répété des riverains....
Quelle image de Cayenne !

L'entretien bâclé du fort Cépérou est une insulte à la mémoire des anciens et une offense aux visiteurs qui viennent découvrir les richesses de Cayenne. Chaque action humaine doit avoir un sens et s'inscrire dans une signification 


3 / L'EFFONDREMENT DU CLOCHETON, 

ou l'inertie honteuse


On a l'impression que l'attention prodiguée au fort est limitée à couper les herbes folles une fois par mois... Certes on trouvera bien dans les cartons des technocrates des projets ubuesques de "village d'artisans" ou autre réhabilitation qui, du site, achèveraient sans nul doute la dénaturation entamée avec l'inclusion du réservoir d'eau dans sa cour intérieure.

Au lieu de s'égarer dans des projets, véritables circonvolutions byzantines, dont les rares réalisations, ont comme seule grandeur que leur coûts budgétaires, occupez-vous  mesdames et messieurs les élus, de préserver l'existant des griffures du temps et des iconoclastes...

Depuis les quatre dernières années, j'ai vu ce site se dégrader rapidement et de manière inquiétante. Notamment ont été volontairement dégradés :
    - la porte d’entrée,
    - la plaque commémoratives du combat de 1676
    - des pierres d’angles du mur d’enceinte et des murets intérieurs
    - des graffitis anciens de la poterne
    - les petits bâtiments annexes etc...
Sans parler des éléments  d'installations  modernes tel que la tour de la balise maritime, les rails de passage de câble où le réservoir d'eau potable dont cheminées et soupiraux sont régulièrement fracassés...

Mais aujourd'hui c'est surtout le clocheton sur le point de basculer sur le glacis Est, qui attire mon attention et génère ma protestation...

Voici l'évolution de la dégradation et la situation actuelle consécutive à l'absence de l'entretien
Dégradation du clocheton entre 2007 et 2013, - photos Erwan Castel

Depuis un an, le clocheton du fort situé sur le bastion de flanquement Nord-Est bascule progressivement vers le glacis en contrebas, et ce dans l'indifférence des autorités qui ont en charge la gestion du fort !
Cette dégradation est due essentiellement à :
 - une érosion naturelle du tertre non contrôlée
 - un accès laissé libre de la structure entraînant :
 - une utilisation sauvage et destructrice de la plateforme
 - une absence d’entretien et de consolidation des éléments abîmés
 - une absence de végétalisation de la butte de terre pour éviter le ravinement


4 / LA SÉCURITÉ DU FORT, 

ou l'insouciance responsable


Occupation sauvage du fort 
Le plus grave est que les dégradations observées ont pour conséquence de mettre en danger le monument historique et ses usagers, engageant la responsabilité juridique de la commune gestionnaire du site.

Ce problème concerne les accès, le fort et les usagers et aujourd'hui, l'insécurité relationnelle (bagarres, dégradation de véhicule, tapage nocturne...) se rajoute au problème de sécurisation structurelle (éboulement, risque de chute...)...

Plusieurs fois, les accès au réservoir d’eau potable ont été fracturés (accès physique côté ouest ou bouches de ventilation côté nord) soit pour réaliser des prélèvements d’eau ou pour « se baigner dans le jacousi » (si! si!) Des comptes rendus répétés ont été réalisées à chaque fois par GuyaRando à la Police municipale auprès des Services Techniques pour interventions urgentes

Pourtant, ce n'est pas faute de moyens car les services compétents sont sur place ! : la mairie, la police municipale et les gardes du littoral, dans leurs locaux à 150 mètres des lieux !!! 

Les actions de surveillance par les polices municipales et nationale (après minuit et jours fériés) sont malheureusement à la hauteur du nettoyage effectué : rapide, rare et parcellaire.


   

5 / LA RÉUNION DU 7 MAI

ou l'indifférence arrogante 


Fort de mon droit de citoyen et de riverain, j'ai donc alerté à moult reprises les services compétents, des dégradations observées et mise en danger d'autrui (comme par exemple les accès au réservoir d’eau potable fracturés) Ces alertes et comptes rendus crescendo ont donné lieu à un rapport le 12 avril.

Une réunion à été organisée sur site pour évaluer le problème le 7 mai 2013 au cours de laquelle des suggestions ont été envisagées simples peu coûteuses et efficaces pour répondre à l'urgence de la situation.

Les services municipaux (S.T. et police) avec qui je travaille en bonne intelligence depuis plusieurs années sont venus, attentifs et conscients des enjeux et des menaces...
Mais voilà, la Mairie, instance décisionnelle et responsable et qui devait être représentée par le cabinet du maire n'a pas daignée venir mesurer l'importance du problème, trop occupée je suppose a préparer quelques cocktails ou réceptions mondaines...

Résultat aucune réaction significative, à part quelques patrouilles pendant les deux semaines suivantes et la pose inutile des barrières (enfin ramassées) autour du clocheton

Quelle conclusion en tirer ?

La même que la vôtre, c'est pourquoi j'ai décidé aujourd'hui de sortir de l'ombre et tant pis si des observations et réflexions peuvent être désagréables à certains, je l'assume d’autant plus que mon intention était d’abord de collaborer et d’enrichir la réflexion pour mieux identifier les problèmes et les solutions. Mais l'inertie volontaire de la municipalité m'oblige à passer à l'offensive dans l'intérêt du patrimoine et de la sécurité des personnes...



6 / CONCLUSION 


Madame le Maire, je pourrais, plagiant l'empereur Napoléon vous dire que "du haut de cette colline, quatre siècles vous contemplent" mais je préfère vous citer lorsque, le 29 avril vous déclariez dans le quotidien France Guyane que vous aviez "un héritage à porter"

Cépérou est le fleuron historique de Cayenne, il est le visage de son coeur et il est en train de perdre son nez, risquant d'enlaidir le paysage de la ville et votre gouvernance...

Cornelius Castoriadis, ce philosophe éveilleur des consciences, nous rappelle que le sens qui est nécessaire pour éviter l'effondrement ou les utopies, ne peut s'inscrire que dans une harmonie avec une signification collective. ("La montée de l'insignifiance" (1996))

Se lancer dans des travaux de représentation (trottoir lumineux de la mairie, point d'information touristique...) n'a aucun sens si vous laissez tomber l'héritage pour reprendre votre terme...
A vos arguties prévisibles je répondrai que la gouvernance c'est d'abord servir et non se servir, toujours définir des urgences et des priorités, et privilégier in fine l'Etre au Paraître...

Madame le Maire, l'Histoire de votre ville vous attend ! 

Avec mes salutations rebelles mais cordiales

Erwan Castel, Colline du Cépérou le 9 juin 2013

IIlustration du Cépérou en 1743 - “Nouvelle relation de la France Equinoxiale, contenant la 
description des côtes de la Guiane, de l’isle de Cayenne” Pierre Barrère - Source: Gallica Bnf